Alors que les Barbares envahissaient la Gaule et les Balkans, et tandis que l'empereur Gallien se gobergeait dans tous les bouges de Rome, les habitants de l'Afrique (du Nord) voulurent, eux aussi se doter d'un souverain capable et énergique. Sous la pression du proconsul d'Afrique et du commandant de l'armée de Libye, ils couronnèrent un certain Celsus, un homme qui en imposait plus par sa large carrure que par son intelligence foudroyante.
Celsus ne régna que six jours. Au septième, il fut assassiné par une femme nommée Galliena et qui n'était rien moins qu'une cousine de l'empereur Gallien. Comble d'horreur ! le cadavre de Celsus fut livré aux chiens, tandis que son effigie, attachée à une croix, était livrée aux lazzis de la populace.
Remarque :
Dans la courte biographie de Celsus (H. A., Trente Tyr., XXIX), l'intention satirique de l'auteur de l'Histoire Auguste semble évidente. Quand il lui fallut, pour faire bonne mesure situer au moins un de ses "Trente Tyrans" en Afrique du Nord, cet écrivain anonyme du début Ve siècle, païen lettré, ne put sans doute pas résister à la tentation de lancer quelques piques à l'encontre du christianisme triomphant.
Or, en ce début du Ve siècle, à l'époque où le rédacteur de l'Histoire Auguste écrivait, l'Afrique était profondément christianisée. L'Église chrétienne y brillait de tous ses feux (saint Augustin), et les fidèles chrétiens y étaient particulièrement intransigeants (les Donatistes, des hérétiques chrétiens plutôt "intégristes").
Dans ces conditions, comment notre malicieux écrivain aurait-il donc pu résister au plaisir de donner à son imaginaire tyran africain un autre nom que Celsus ? N'était-ce pas celui du célèbre polémiste anti-chrétien du IIe siècle, celui de cet auteur d'un Discours de Vérité que seul le grand savant chrétien Origène avait été capable de réfuter (à grand-peine et plus de 70 ans après sa parution) ?
Comment résister aussi à l'envie de montrer les habitants d'Afrique (en majorité chrétiens à l'époque de la rédaction de l'Histoire Auguste) en train d'insulter et de profaner l'effigie de l'usurpateur Celsus, suspendue à une croix, quand cette disposition rappelait l'étendard impérial, le fameux labarum, en vigueur depuis Constantin le Grand, cet empereur chrétien qui, à tout prendre, n'était guère qu'un usurpateur lui aussi !
Dans l'esprit de l'auteur païen de l'Histoire Auguste, cette bizarre effigie de l'usurpateur, suspendue à une croix, pouvait même évoquer la problématique crucifixion de ce Christ, qui, finalement, n'était mort sur la croix "qu'en apparence"… comme Celsus, qui n'avait été pendu qu'en effigie !
(À ce sujet, voir : A. Chastagnol, Histoire Auguste, Celsus + Introduction, VI : L'atmosphère religieuse).